Bicentenaire de la Révolution française ; la Révolution et la pensée économique

Le principe de l’ordre économique est « la faculté exclusive qu’a chaque individu de connaître ses intérêts mieux que tout autre ». (Turgot)
En cette fin de siècle, la pensée économique ne repose pas en France sur des bases claires et définies, car on assiste à l’érosion de la pensée physiocrate en attendant l’émergence de nouvelles écoles.
La France est surtout restée marquée au 18ème siècle par l’école des physiocrates, dans le domaine de la pensée économique. Les thèses de Quesnay et de ses disciples, le marquis de Mirabeau, Lemercier de la Rivière et Dupont de Nemours sont fondées sur l’existence d’une loi naturelle qui régirait ad eternam la société française. Elle supposerait de ne point toucher à la propriété, fondement de l’ordre social et facteur nécessaire à la croissance agricole. L’Etat devrait se contenter de faire respecter la loi naturelle, d’en diffuser les préceptes.
La pensée physiocrate obtient un large écho à la fin des années 1760 lorsque la libéralisation du commerce des grains est promue par les autorités royales. Mais cette pensée s’éclipse à la fin du siècle. De Nemours essaye de la défendre sous la Révolution. En tant que membre de la Constituante, il rédige de gros rapports sur les finances et les impôts, mais ne parvient pas à les faire adopter. Les idées physiocrates subissent par ailleurs la concurrence de la doctrine d ’Adam Smith qui publie en 1776 “la Richesse des Nations”.
D’autre part, les questions financières ne sont pas le fort des physiocrates or bon nombre de débats à l’Assemblée soulèvent cette question. En outre les physiocrates font la part belle aux propriétaires fonciers au détriment de la bourgeoisie d’affaires. Ce n’est pas l’avis d’une nouvelle génération d’économistes libéraux qui, à travers Say et Saint-Simon, défendent les vertus de l’industrialisation.
En 1790, Roucher dans son introduction à “la Richesse des nations”, comme le précise Gilbert Faccarello, souligne que les «écrivains économistes» (physiocrates) n’ont apporté que des «lumières partielles sur les différents points de l’économie politique» et Peuchet, dix ans plus tard, dans son “Dictionnaire universel delà géographie commerçante “parle du Tableau économique comme d’une «espèce de hiéroglyphe qui n’apprend rien et semble déjà établi sur de fausses bases».
Condorcet en 1790 publie un résumé de “la Richesse des nations” et Sieyès dans son discours sur la liberté de la presse du 20 janvier 1790 s’exclame : «Vous ne réduirez pas, Messieurs, les moyens de communication entre les hommes…» Il faut favoriser «le commerce de la pensée». Grâce à Adam Smith, l’agriculture n’est plus perçue comme la seule source de productivité. L’industrie a aussi son rôle à jouer. Say élargit l’idée aux « services immatériels » et donne naissance au concept néo-classique.

Bernard LECAT

1789 : une chronologie des événements courants.
2 novembre : mise à la disposition de la nation des biens ecclésiastiques.
4 novembre : triomphe au théâtre français de «Charles IX», tragédie de Marie Joseph Chénier.
7 novembre : l’Assemblée interdit à ses membres de devenir ministres, (mesures contre Mirabeau).
19 novembre : création par l’Assemblée nationale d’une caisse de l’extraordinaire qui devra être alimentée par la vente des biens de l’Eglise.
24 novembre : parution du 1er numéro de la Gazette nationale ou le Moniteur universel.
26 novembre : réforme municipale : l’article 12 prévoit l’élection des m aires à la majorité absolue des voix.
28 novembre : fondation du journal «les Révolutions de France et de Brabant» par Camille Desmoulins.

La Révolution et la pensée économique
FACCARELLO G. – Aux origines de l’économie politique libérale : Pierre de Boisguilbert. – Paris, Anthropos, 1986.
FACCARELLO, G. (sous la dir. de). – L’Economie politique pendant la Révolution française, numéro spécial de la revue Oeconomia, Paris, ISMEA. – et Grenoble, PUG, 1989.
HECHT, J. – « Une héritière des Lumières, de la physiocratie et de l’idéologie : la première chaire française d ’économie politique (1795) », Oeconomica n°6, Paris, ISMEA. – et Grenoble, PUG,1986.
PASQUINO, P. « Emmanuel Sieyès, Benjamin Constant et le Gouvernement des Modernes : contribution à l’histoire du concept de représentation politique », Revue française de sciences politiques, n° 2. – Paris, Presses de la FNSP, 1987.
SERVET, J.M. (études coordonnées par). – Idées économiques sous la Révolution 1789 – 1794. – Presses Universitaires de Lyon, 1989.
STEINER, Ph. – « Le projet physiocratique : théorie de la propriété et lien social », Paris, Revue économique, 1987.

Bernard Lecat, “la Révolution et la pensée économique”, Correspondances n°13, Centre de Documentation Tunisie-Maghreb, novembre 1989

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